PECAN et droit commun : une différence d’exigences entre les procédures d’évaluation ?

Les enseignements à tirer des évaluations récentes

Date de publication
04/08/2025

Depuis l’introduction de la procédure PECAN (Prise en Charge Anticipée du Numérique), le paysage de l’évaluation des Dispositifs Médicaux Numériques (DMN) s’est structuré.

Deux voies d’accès complémentaires existent afin de faciliter l’accès au marché des DMN :

Ce système a pour but de permettre un accès anticipé aux innovations, alors même que les évaluations cliniques nécessaires pour le droit commun sont en cours. Il est cependant remis en cause aujourd’hui au vu des nombreux avis défavorables reçus lors de demandes PECAN.

En comparaison, le faible taux d’avis défavorables observés pendant cette même période pour les demandes en droit commun questionne l’écosystème MedTech français.

Nos experts se sont concentrés sur ce sujet : la CNEDiMTS serait-elle plus exigeante en fonction de la voie d’accès au remboursement engagée ?


Dans les milieux industriels, scientifiques et médicaux, certains s’interrogent :

  • La CNEDIMTS applique-t-elle un niveau d’exigence plus élevé aux solutions numériques ?
  • La lecture d’une prudence présumée de l’autorité est-elle confirmée ?
  • L’évaluation actuelle est-elle cohérente avec les enjeux de santé publique, l’évolution des preuves scientifiques et les besoins du système de soins ?

Les DTx, en particulier, se positionnent sur des champs critiques comme la prévention des maladies chroniques, la réhabilitation post-pathologie, ou encore l’autonomisation des patients. Pourtant, malgré des résultats prometteurs, ils peinent à franchir les seuils réglementaires de remboursement.

Stratégie d'accès marché

Construire une feuille de route claire et stratégique pour votre innovation

Un taux d’acceptation contrasté selon la procédure

Nos experts ont analysé les avis rendus par la CNEDiMTS sur des DMN entre juillet 2024 et juillet 2025, répartis comme suit :

  • PECAN :

    • 6 évaluations, dont 4 portaient sur des DTx
    • 2 avis favorables uniquement pour des dispositifs de télésurveillance
    • 0 avis favorable pour les DTx
  • Droit commun :

    • 12 évaluations, dont 11 en télésurveillance
    • 8 avis favorables, avec une reconnaissance d’équivalence dans plusieurs cas
    • 1 seul avis sur un DTx, dans le cadre d’une modification d’inscription déjà existante, non d’une primo-inscription

Constat : malgré des tentatives de structuration de la PECAN pour les DTx, ces derniers peinent à franchir le seuil de validation dans un contexte où la majorité des décisions favorables concernent la télésurveillance.

Étude de cas : faiblesses méthodologiques, résultats différents selon la voie d’accès ?

Afin d’analyser les déterminants des décisions récentes en matière de prise en charge des DMN, une hypothèse peut être explorée : les critères d’appréciation des preuves cliniques varient-ils en fonction de la voie d’accès au remboursement mobilisée ?

Pour étayer cette réflexion, deux avis récents de la CNEDiMTS seront comparés. Tous deux concernent des DMN et reposent sur des méthodologies cliniques présentant certaines limites.

Cas n°1 : « 1 Minute pour mon cœur » (Droit commun, LATM) : Dispositif de télésurveillance pour l’insuffisance cardiaque.

Décision : équivalent à la ligne générique

Motifs avancés : L’avis repose sur une étude spécifique rétrospective aux limites méthodologiques importantes (biais, absence de données cliniques clés). Les résultats sont défavorables sur plusieurs critères (décompensations, hospitalisations), et aucune supériorité clinique n’est démontrée. L’inscription est justifiée uniquement par l’alignement avec la ligne générique, sans preuve d’un intérêt spécifique ou différenciant.

Cas n°2 : « Thérapie digitale JOE » (PECAN) : DTx pour un trouble chronique, revendiquant une innovation thérapeutique.

Décision : avis défavorable

Motifs avancés :

  • Premières données cliniques présentant des biais (attrition, performance) (remise en question du protocole)
  • Données jugées non exploitables selon les standards attendus
  • Une présomption d’innovation non évaluable de la part de la CNEDIMTS

➜ Dans les deux cas, la faiblesse méthodologique a entraîné la disqualification des données présentées. Dans le cas du dispositif de télésurveillance cardiaque (cas n°1), les études non spécifiques ont cependant permis la confirmation de l’équivalence du DM aux standards connus pour cette innovation via la ligne générique.

Dans le cadre de la procédure PECAN, nous savons que la doctrine repose sur une présomption d’innovation, permettant à un dispositif médical numérique innovant d’accéder temporairement à un remboursement, malgré l’absence de preuves cliniques complètes, dès lors qu’un socle d’éléments probants justifie un potentiel bénéfice en vie réelle. Cette logique s’accompagne d’un engagement du fabricant à produire des données complémentaires durant la période de prise en charge transitoire.

Toutefois, les évaluations récentes, comme par exemple celles que nous venons d’analyser, soulignent une tension entre cette philosophie dérogatoire et les pratiques d’évaluation.

Les dossiers PECAN présentent souvent une variabilité méthodologique importante, avec des données encore trop immatures. Le cas de JOE (cas n°2) en est une illustration nette : face à un protocole jugé insuffisamment structuré, la CNEDiMTS n’est pas en mesure de présumer le potentiel de l’innovation ni le bénéfice attendu, et donc de rendre un avis favorable sur ce dispositif.

Cette position questionne le seuil d’acceptabilité des preuves dans le cadre PECAN justement conçu pour des produits encore en développement.

Le processus de remboursement des DM

Comment obtenir une prise en charge ?

Préconisations : vers une reconfiguration de la procédure PECAN

À ce jour, les DMN peinent à accéder au remboursement via la procédure PECAN, malgré les promesses initiales d’un cadre accéléré et adapté à l’innovation. Les bénéfices concrets du dispositif restent limités, tant pour les industriels que pour les patients. Cela soulève une question légitime : la procédure remplit-elle pleinement sa mission ?

Une analyse des avis rendus met en lumière une cause récurrente des avis défavorables : des méthodologies d’évaluation clinique jugées insuffisamment robustes pour établir la présomption d’innovation attendue. Les études sont souvent encore exploratoires, incomplètes ou difficiles à interpréter selon les standards actuels de la CNEDiMTS.

Agir sur ce point est essentiel. Cela passe par un accompagnement renforcé des fabricants en amont, pour les aider à construire des protocoles adaptés, contextualiser leurs données, structurer une stratégie de preuve proportionnée à leur stade de maturité.

Le fonctionnement du dispositif lui-même pose également question. En l’état, la PECAN implique une double analyse : une première analyse dans le cadre de la PECAN, puis, au bout de 6 à 9 mois, une demande de prise en charge dans le droit commun (LPPR ou LATM), avec un nouveau dépôt et une nouvelle phase d’évaluation. Cette duplication pèse à la fois sur les autorités évaluatrices et sur les porteurs de projets.

L’enjeu à venir est de trouver un équilibre juste entre trois impératifs :

  • La rigueur des évaluations cliniques ;
  • La sécurité des usagers ;
  • La nécessaire accessibilité des innovations numériques en santé.

La PECAN, en tant que cadre émergent, a besoin d’une montée en puissance progressive, soutenue par des retours d’expérience, une clarification des attendus, et un soutien renforcé à l’innovation responsable.

Pour conclure cette analyse et répondre à la question : la CNEDIMTS serait-elle plus exigeante en regard de la voie d’accès au remboursement engagée ?

La réponse est non. Les analyses se situent dans deux référentiels différents.

Nous avons identifié une contrainte structurelle importante pour les entreprises souhaitant bénéficier de la procédure PECAN. Une fois le marquage CE obtenu, elles se retrouvent dans une phase d’attente avant de pouvoir déposer leur demande, entraînant une période peu productive. Ce délai, qui crée une rupture dans le parcours de prise en charge, peut représenter une perte de temps significative, en particulier pour les porteurs de projets dont le modèle économique repose sur un accès rapide au remboursement.

L’objectif de notre proposition est de combler ce décalage en permettant une évaluation de l’éligibilité à la PECAN en parallèle de l’obtention du marquage CE, afin que la prise en charge puisse être enclenchée dès la délivrance du marquage, sans délai additionnel.

La procédure pourrait s’articuler comme suit :


1. a. Déclenchement de la procédure : soumissions du dossier

Dès lors que l’entreprise est prête à engager ses échanges avec l' Organisme Notifié (ON) en vue du marquage CE :

  • Elle soumet son dossier à l’ON pour l’ évaluation réglementaire,
  • Elle dépose simultanément, via un guichet dédié (ouvert dans le cadre d’un appel à manifestation d’intérêt, par exemple semestriel ou annuel), un protocole d’investigation clinique assorti d’un plan d’étude post-market visant à produire les données nécessaires à une évaluation en droit commun.

1. b. Évaluation parallèle

  • L’ON poursuit l’instruction du marquage CE.

    • En parallèle, la CNEDIMTS évalue :
  • La rigueur méthodologique de l’étude proposée,

  • La pertinence des critères d’évaluations, comparateurs, et endpoints cliniques.

  • Si l'avis rendu est favorable : la CNEDIMTS fixe un seuil de recevabilité des résultats et valide la méthodologie sous forme d’acceptation conditionnelle, permettant de déterminer un forfait de remboursement corrélé au seuil des résultats attendus.

  • Si l'avis rendu est défavorable : une procédure contradictoire est ouverte, permettant aux porteurs de projet de répondre aux remarques formulées. Si les ajustements nécessaires sont apportés dans un délai défini (ex. : 2 à 3 mois), le dossier peut faire l’objet d’une nouvelle évaluation sans reprise complète.

2. Ajustements post-conseil :

  • L’entreprise met en œuvre les ajustements recommandés par la CNEDIMTS
  • Si ces ajustements sont jugés conformes aux recommandations initiales, l’entreprise peut accéder à une prise en charge anticipée.

3. Prise en charge anticipée (transitoire)

  • Une période de remboursement transitoire est ouverte, pour une durée maximale de 3 ans.
  • Durant cette période, les études post-market sont conduites afin de générer les données cliniques et médico-économiques attendues.

4. Réévaluation à 3 ans

À l’issue de cette période transitoire, un réexamen du dossier est réalisé sur la base des résultats cliniques et médico-économiques attendus

Deux options :

  • Les résultats sont concluants (en regard du seuil d'acceptabilité prédéfini par la CNEDIMTS) : le dispositif peut intégrer le droit commun.

  • Les résultats sont insuffisants (en regard du seuil d'acceptabilité prédéfini par la CNEDIMTS) : fin du remboursement.

Cette approche offre un gain de temps stratégique pour les porteurs de projets, en alignant dans le temps les deux procédures clés : l’évaluation pour l’obtention du marquage CE et celle de l’éligibilité à la PECAN.

En procédant ainsi, elle permet d’éviter les phases d’attente successives, d’assurer un accès immédiat au remboursement dès la délivrance du marquage CE (via la PECAN), et de garantir une continuité vers le droit commun lorsque les résultats attendus sont confirmés. Cela allège a priori les différentes phases d’évaluation par les autorités également.

Cet article est diffusé à titre informatif et ne constitue pas une référence normative ou règlementaire.