Logiciels d’Aide à la Prescription (LAP)

Comment structurer la stratégie réglementaire pour un accès au marché réussi

Date de publication
20/10/2025

Dans un contexte de numérisation accélérée des pratiques médicales, les Logiciels d’Aide à la Prescription (LAP) s’imposent comme des outils essentiels de sécurisation, d’efficience et d’individualisation des prescriptions. Cette utilité clinique s’accompagne d’un encadrement réglementaire exigeant.

Dès lors qu’un LAP influence, même indirectement, une décision médicale, il peut relever du champ des dispositifs médicaux (DM). Comprendre les spécificités réglementaires de ces solutions est donc essentiel pour tout porteur de projet souhaitant développer un LAP conforme, sûr et facilitant le référencement SEGUR.

Stratégie d'accès marché

Construire une feuille de route claire et stratégique pour votre innovation

Un LAP est-il un dispositif médical ?

Le caractère "dispositif médical" d’un LAP dépend de sa finalité : s’il est destiné à être utilisé à des fins médicales, en particulier pour fournir des informations servant à poser un diagnostic, à prévenir une pathologie ou à orienter une décision thérapeutique, il entre dans le champ d’application du Règlement (UE) 2017/745 (MDR).

Exemple : un logiciel qui alerte sur des interactions médicamenteuses, suggère une posologie adaptée ou recommande une alternative thérapeutique est qualifiable comme DM. À l’inverse, un outil uniquement administratif (gestion de stock, calendrier de rendez-vous) ne l’est pas.

L’intended purpose (finalité d’usage revendiquée) doit être formulée avec rigueur et précision dans la documentation réglementaire, car elle détermine toute la stratégie réglementaire à suivre.

Quelle classification pour un LAP ?

La plupart des LAP sont classés selon la règle 11 du MDR, qui concerne les logiciels médicaux fournissant des informations utilisées pour des décisions diagnostiques ou thérapeutiques.

Selon le niveau de risque associé à une erreur induite par le logiciel, les LAP peuvent relever :

  • De la classe IIa : si les informations sont utilisées pour des décisions thérapeutiques ou diagnostiques pouvant entraîner un impact modéré sur l’état de santé ;

  • De la classe IIb : si une décision du logiciel peut engendrer une détérioration grave de la santé ou une intervention chirurgicale ;

  • De la classe III : si une décision du logiciel peut provoquer la mort ou une détérioration irréversible de l'état de santé d'une personne.

Dans la majorité des cas, les LAP relèvent de la classe IIa ou IIb. Une analyse des risques et règlementaire approfondie est nécessaire pour justifier la classification.

Le processus de remboursement des DM

Comment obtenir une prise en charge ?

Quelles fonctionnalités clés caractérisent un LAP ?

Un LAP peut intégrer diverses fonctions à visée médicale, parmi lesquelles :

  • L’identification d’interactions médicamenteuses,

  • Le rappel des contre-indications, interactions médicamenteuses ou allergies selon le profil du patient,

  • L’ajustement posologique selon l’âge, le poids ou la fonction rénale,

  • La recommandation de traitements alternatifs fondés sur des référentiels médicaux ou des guides de bonnes pratiques,

  • La gestion des ordonnances complexes dans des parcours multi-pathologiques.

  • L’aide au prescripteur dans le choix, l’adaptation, la posologie ou la sécurisation d’un traitement médicamenteux

Ces fonctionnalités impliquent un traitement intelligent de données médicales et une forte responsabilité clinique, d’où l’importance d’une conception vérifiée et traçable.

Exigences réglementaires spécifiques aux LAP

Un LAP étant un dispositif médical logiciel, il est soumis à l’ensemble des exigences du MDR, mais certaines dimensions réglementaires méritent une attention particulière.


1) Exigences qualité (ISO 13485)

Le fabricant doit mettre en place un système de management de la qualité conforme à l’ISO 13485 :

  • Gestion du cycle de vie logiciel (IEC 62304),

  • Gestion des risques (ISO 14971),

  • Maîtrise du changement.

Le logiciel doit être conçu, vérifié, validé et maintenu dans un cadre intégrant la sécurité, la performance et la conformité réglementaire.


2) Documentation Technique

La documentation technique d’un LAP doit comprendre :

  • Une description détaillée des fonctions médicales et non médicales,

  • Une justification de la classification,

  • Une analyse des risques et des mesures de réduction,

  • Une démonstration de conformité aux exigences générales de sécurité et de performance,

  • Un plan de surveillance post-commercialisation (PMS).

La distinction entre modules médicaux et non médicaux doit être justifiée si des fonctionnalités ne sont pas incluses dans l’évaluation réglementaire, sans quoi tout le logiciel entre dans le périmètre.


3) Évaluation clinique

L’évaluation clinique d’un LAP peut s’appuyer :

  • Sur la littérature scientifique (si équivalence démontrée),

  • Sur des études cliniques spécifiques (si le produit est innovant ou sans équivalent),

  • Sur des études d’usage (preuve d’utilisabilité, de compréhension des alertes, d’adoption par les prescripteurs),

  • Sur des données de vie réelle, notamment via le SNDS (système national des données de santé), si la preuve en contexte est possible.

Attention : même si les LAP sont dématérialisés, ils doivent répondre aux mêmes standards de preuve qu’un dispositif physique.

Cas pratique : Ordoclic, un LAP au service de la sécurité de la prescription

Ordoclic est un logiciel d’aide à la prescription conçu pour sécuriser et fluidifier la rédaction des ordonnances médicales. Il s’intègre directement dans le parcours de soin du médecin généraliste ou spécialiste ou professionnel de santé prescripteur, en proposant :

  • Des alertes automatiques en cas d’interactions médicamenteuses,

  • Des rappels sur les contre-indications selon l’âge, les antécédents ou la grossesse,

  • Des recommandations thérapeutiques issues de référentiels actualisés,

  • Une interface intuitive pour optimiser l’expérience de prescription au quotidien.

Parcours réglementaire :


1) Contexte de départ

Le dispositif était initialement certifié en classe I selon la directive 93/42/CEE (MDD). Dans le cadre du règlement (UE) 2017/745 (MDR), son reclassement et l’évolution des exigences réglementaires ont nécessité une stratégie de transition complète, rigoureusement planifiée et structurée.

2) Mise en place d’un système qualité certifié ISO 13485

Dans un premier temps, l’entreprise a engagé une démarche de structuration qualité, avec pour objectif la certification ISO 13485. Cette étape clé a permis :

  • D’implanter un système de management de la qualité (SMQ) conforme aux attentes du MDR,
  • De formaliser les processus critiques (gestion des risques, conception, PMS, CAPA…),
  • D’établir une gouvernance qualité structurante et documentée, adaptée à un produit médical en évolution réglementaire.

3) Mise en conformité réglementaire MDR

Dans la continuité, une stratégie réglementaire a été définie pour obtenir le marquage CE sous le MDR, avec les étapes suivantes :

  • Qualification et classification du dispositif selon les règles du MDR, confirmant son passage dans une classe supérieure (classe IIa), nécessitant l’implication d’un organisme notifié pour l’obtention du marquage CE ;

  • Reprise et mise à niveau de la documentation technique selon les exigences des annexes II et III du MDR :

    • Description détaillée du dispositif, spécifications techniques, et architecture fonctionnelle,
    • Gestion des risques selon l’ISO 14971,
    • Données cliniques (revue bibliographique, évaluation clinique ou plan d’investigation),
    • Données de performance et d’utilisabilité,
    • Plan de surveillance post-commercialisation (PMS) et plan de vigilance (PSUR, FSCA),
    • Démonstration de la conformité réglementaire point par point.
  • Relations avec l’organisme notifié : choix de l’organisme, échanges préliminaires, soumission du dossier, réponses aux demandes de clarification.


4) Résultat : un passage maîtrisé vers le MDR

L’ensemble de la démarche permet d’assurer :

  • La continuité de mise sur le marché du dispositif malgré la fin de validité des certificats MDD pour les classes I non réévalués,

  • Une conformité au MDR, renforçant la position du produit sur le marché européen,

  • La mise en place d’un cadre qualité et réglementaire pérenne, capable de soutenir le développement futur du portefeuille produits mais surtout la sécurité du dispositif pour l’usage des patients et professionnels de santé.

Cette approche offre un gain de temps stratégique pour les porteurs de projets, en alignant dans le temps les deux procédures clés : l’évaluation pour l’obtention du marquage CE et celle de l’éligibilité à la PECAN.

En procédant ainsi, elle permet d’éviter les phases d’attente successives, d’assurer un accès immédiat au remboursement dès la délivrance du marquage CE (via la PECAN), et de garantir une continuité vers le droit commun lorsque les résultats attendus sont confirmés. Cela allège a priori les différentes phases d’évaluation par les autorités également.

Cet article est diffusé à titre informatif et ne constitue pas une référence normative ou règlementaire.