Synthèse des obligations règlementaires
selon le MDR 2017/745 et l’IVDR 2017/746
Un enjeu stratégique pour les fabricants de dispositif médical
Date de publication
04/06/2025
Un enjeu stratégique pour les fabricants de dispositif médical
Date de publication
04/06/2025
Un nouveau cadre, des responsabilités renforcées
Les nouvelles réglementations européennes sur les dispositifs médicaux (MDR 2017/745) et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (IVDR 2017/746) ont profondément remanié le cadre législatif du secteur. Le MDR est pleinement applicable depuis le 26 mai 2021 et a remplacé les anciennes directives 90/385/CEE et 93/42/CEE, tandis que l’IVDR s’applique depuis le 26 mai 2022, succédant à la directive 98/79/CE. Ces deux règlements visent à garantir un haut niveau de sécurité et de performance des dispositifs tout au long de leur cycle de vie, via un cadre transparent et durable.
Pour les fabricants, cela se traduit par de nouvelles obligations réglementaires plus strictes et une surveillance renforcée des produits après leur mise sur le marché. Dans cet article, nous faisons le point sur les obligations communes aux deux règlements, en soulignant les spécificités propres aux dispositifs de diagnostic in vitro (DMDIV), afin d’aider les fabricants à comprendre et anticiper les implications de ces textes.
Plan de l'article
Aperçu général des règlements MDR et IVDR
Classification des dispositifs : un système fondé sur le risque
Procédures d’évaluation de la conformité et rôle des organismes notifiés
Documentation technique et exigences générales de sécurité et de performance
Évaluation clinique vs. évaluation des performances
Surveillance post-marché et vigilance renforcées
Autres obligations communes aux fabricants (PRRC, opérateurs économiques, traçabilité…)
Aperçu général des règlements MDR et IVDR
Le MDR (Medical Device Regulation) et l’IVDR (In Vitro Diagnostic Regulation) ont été adoptés en 2017 dans le but de moderniser et d’harmoniser la réglementation européenne des dispositifs médicaux. Ils introduisent un cadre plus exigeant que les anciennes directives, en renforçant notamment les contrôles préalables à la mise sur le marché, la traçabilité des produits et la surveillance post-commercialisation. Le MDR concerne l’ensemble des dispositifs médicaux « classiques » (instruments, implants, matériels, logiciels médicaux, etc.), tandis que l’IVDR s’applique spécifiquement aux dispositifs de diagnostic in vitro (réactifs, trousses de tests de laboratoire, équipements de diagnostic, etc.).
Malgré la différence de champ d’application, les deux règlements partagent une architecture et des principes communs (par ex. classification fondée sur le risque, exigences de documentation technique, évaluation de la conformité avec marquage CE, obligations de vigilance) tout en comportant des exigences adaptées aux particularités des DMDIV.
Les deux règlements prévoient des périodes de transition pendant lesquelles les dispositifs conformes aux anciennes directives peuvent continuer à être commercialisés, sous certaines conditions, afin de laisser le temps aux fabricants de se mettre en conformité. Toutefois, à terme, tout dispositif (DM ou DMDIV) mis sur le marché européen doit être conforme aux exigences du MDR ou de l’IVDR, respectivement. Les fabricants doivent donc intégrer ces nouvelles obligations dans leur stratégie réglementaire, avec l’appui d’un système de management de la qualité à jour et d’une veille réglementaire proactive.
Classification des dispositifs : un système fondé sur le risque
Les deux règlements introduisent un système de classification par le risque, qui détermine les exigences applicables et l’implication (ou non) d’un organisme notifié dans l’évaluation de la conformité. Cependant, le schéma de classes diffère entre le MDR et l’IVDR :
MDR 2017/745 : les dispositifs médicaux sont classés en quatre classes (I, IIa, IIb, III) en fonction de la durée de contact avec le corps, de l’invasivité, de la fonction active, etc. La classe I regroupe les dispositifs à faible risque (avec des subdivisions Is pour les dispositifs stériles, Im pour fonction de mesure, Ir pour instruments réutilisables), tandis que la classe III correspond aux dispositifs les plus critiques (ex. implants de longue durée, dispositifs supportant des fonctions vitales). Chaque dispositif doit être classé par le fabricant selon les règles de classification (Annexe VIII du MDR). En cas de doute ou de désaccord, la décision peut être arbitrée par une autorité compétente.
IVDR 2017/746 : l’IVDR a introduit un nouveau système de classification à quatre classes (A, B, C, D) pour les DMDIV, reposant sur les risques potentiels pour le patient et la santé publique. La classe A correspond aux risques les plus faibles (ex. instruments de laboratoire sans fonction de mesure critique), et la classe D aux risques les plus élevés (ex. tests de dépistage du VIH, analyses sanguines critiques). Un ensemble de 7 règles (Annexe VIII de l’IVDR) guide le fabricant dans cette classification, prenant en compte la destination du dispositif et son impact potentiel.
Sous l’ancienne directive IVDD, la majorité des diagnostics in vitro étaient auto-certifiés par les fabricants, alors que désormais la grande majorité des DMDIV devront passer par un organisme notifié. En effet, seuls les dispositifs de classe A (non stériles) peuvent encore être auto-certifiés, tous les DMDIV de classes B, C et D nécessitant l’intervention d’un organisme notifié pour l’évaluation de conformité. Cette extension du contrôle tiers constitue un changement significatif pour les fabricants de tests diagnostics : on estime qu’en passant de l’IVDD à l’IVDR, la proportion de DMDIV nécessitant un organisme notifié est passée d’environ 20 % à plus de 80 %.
À l’inverse, pour les dispositifs médicaux sous MDR, la situation reste similaire à la précédente directive : les dispositifs de classe I (non stériles/non mesurage) sont auto-certifiés, tandis que les classes IIa, IIb et III requièrent un organisme notifié pour délivrer un certificat CE. Le MDR a toutefois affiné certaines règles de classification, par exemple pour les logiciels médicaux (désormais généralement en classe IIa minimum) ou les substances injectables, entraînant aussi pour certains fabricants une reclassification vers des classes de risque plus élevées.
Procédures d’évaluation de la conformité et rôle des organismes notifiés
Une fois la classe de risque déterminée, le fabricant doit suivre une procédure d’évaluation de la conformité appropriée pour démontrer que son dispositif satisfait aux exigences réglementaires et peut recevoir le marquage CE.
Les obligations sont similaires sous le MDR et l’IVDR sur le principe : le fabricant doit constituer un dossier technique complet, mettre en place un système qualité, puis faire vérifier la conformité par un organisme notifié pour la plupart des dispositifs à risque non faible. Les deux règlements offrent plusieurs modalités d’évaluation (basées sur les annexes IX à XI des règlements), notamment : examen complet du système qualité et du dossier (type audit + revue de conception), examen UE de type complété d’une assurance qualité de production, ou, plus rarement, vérification unitaire.
Sous le MDR : un dispositif de classe III ou IIa/IIb fait l’objet d’un examen approfondi par l’organisme notifié (incluant la revue de la documentation technique de conception et, pour les dispositifs de classe III implantables, un mécanisme de scrutiny par des experts peut s’appliquer). Les seuls dispositifs ne nécessitant pas d’organisme notifié sont les classe I non stériles/non-mesurage, pour lesquels le fabricant établit lui-même la Déclaration UE de conformité. Si un dispositif de classe I a une fonction de mesure, est vendu stérile ou est un instrument réutilisable chirurgical, l’intervention limitée d’un organisme notifié est requise (pour évaluer l’aspect stérilité, etc.).
Sous l’IVDR : comme indiqué, tous les DMDIV sauf la classe A doivent faire intervenir un organisme notifié. Les procédures d’évaluation de conformité sont analogues (Annexes IX à XI de l’IVDR), avec toutefois des spécificités pour la classe D : pour ces diagnostics critiques, l’IVDR prévoit un mécanisme de consultation supplémentaire (consultation scientifique) pouvant impliquer un panel d’experts européens et, le cas échéant, des laboratoires de référence européens chargés de vérifier les performances du dispositif (tests de laboratoire indépendants). En pratique, ces mécanismes visant à renforcer le contrôle scientifique des tests les plus critiques (par exemple tests VIH, hépatites, etc.) sont progressivement mis en place. Les fabricants de DMDIV de classe D doivent donc anticiper des délais supplémentaires pour obtenir leur certification, en raison de ces examens additionnels.
Dans tous les cas, les fabricants doivent obtenir un certificat CE de l’organisme notifié avant de commercialiser leurs dispositifs classes II/III (MDR) ou B/C/D (IVDR). Notons que le choix de l’organisme notifié (qui doit être désigné pour le règlement en question et pour le type de produit concerné) est une étape stratégique : au vu du nombre limité d’organismes notifiés disponibles et de la forte demande, il est important de s’y prendre en amont. Par ailleurs, une fois le certificat obtenu, le fabricant doit gérer la relation avec l’organisme notifié (audits de surveillance annuels, approbation des changements significatifs, renouvellements de certificat tous les 3 à 5 ans, etc.).
Les enjeux financiers et opérationnels de la règlementation
Documentation technique et exigences générales de sécurité et de performance
La constitution d’une documentation technique solide est au cœur de la conformité MDR/IVDR. Les deux règlements détaillent en Annexe II le contenu que doit comporter le dossier technique pour chaque dispositif, et en Annexe III les informations spécifiques relatives à la surveillance post-marché. L’objectif est de fournir la démonstration complète que le dispositif satisfait aux Exigences Générales en matière de Sécurité et de Performance (GSPR) énoncées à l’Annexe I du règlement applicable.
Le MDR comporte 23 chapitres d’exigences générales et l’IVDR en compte 20, reflétant les particularités de chaque domaine. Ces exigences couvrent tous les aspects de la conception et de la fabrication du produit (évaluation biologique, sécurité électrique, compatibilité logicielle, étiquetage, performance clinique/analytique, etc.), obligeant le fabricant à effectuer une analyse exhaustive de risques et bénéfices et à apporter la preuve de la maîtrise de ces risques.
Chaque fabricant est tenu de constituer, maintenir et mettre à jour un dossier technique pour ses dispositifs, quelle que soit la classe de risque. Ce dossier inclut notamment : la description détaillée du dispositif et de son usage prévu, les informations de conception et de fabrication, l’analyse des risques et les données démontrant la maîtrise de ces risques, les résultats d’évaluations pré-cliniques et cliniques (ou de performances), la justification de la compatibilité avec les exigences générales (par conformité à des normes harmonisées ou Common Specifications), les rapports d’essais, l’évaluation clinique ou des performances, l’étiquetage et notice, etc.
Pour les DMDIV, l’IVDR spécifie également que la documentation technique doit intégrer les éléments propres à la performance analytique et clinique du test, ainsi que les résultats des études de performance le cas échéant. De plus, la documentation doit couvrir l’intégralité du cycle de vie du dispositif, y compris les plans de surveillance post-commercialisation et, pour les classes élevées, les rapports périodiques de sécurité (voir section suivante) .
En pratique, la qualité de la documentation technique est de la plus haute importance : un dossier bien structuré et complet facilite l’évaluation par l’organisme notifié et réduit les allers-retours (questions, non-conformités) lors du processus de certification.
Évaluation clinique vs. évaluation des performances
L’un des points où le MDR et l’IVDR divergent par nature est le type de preuves à apporter pour démontrer l’innocuité et la performance du dispositif.
Pour les dispositifs médicaux (MDR), le fabricant doit mener une évaluation clinique (clinical evaluation) de son dispositif, c’est-à-dire analyser de façon systématique les données cliniques pertinentes – qu’elles proviennent de la littérature, d’une expérience clinique antérieure, ou d’une nouvelle investigation clinique – afin de prouver la sécurité et la performance du dispositif dans son usage prévu. Cette évaluation clinique donne lieu à un rapport d’évaluation clinique (Clinical Evaluation Report, CER) qui fait partie intégrante du dossier technique. Dans bien des cas, notamment pour les dispositifs innovants ou de classe élevée, des investigations cliniques (essais cliniques sur sujets humains) sont nécessaires pour collecter des preuves suffisantes.
Pour les dispositifs de diagnostic in vitro (IVDR), l’approche est différente bien que conceptuellement proche : le fabricant doit réaliser une évaluation des performances (performance evaluation) couvrant trois piliers : la validité scientifique (justification scientifique du marqueur ou analyte mesuré par le test), la performance analytique (précision, fiabilité, limites de détection, etc. du test de laboratoire) et la performance clinique (capacité du test à atteindre le résultat clinique escompté, par exemple sensibilité et spécificité diagnostiques sur échantillons de patients). Un rapport d’évaluation des performances est requis en lieu et place du rapport d’évaluation clinique. De plus, l’IVDR exige des études de performance (équivalent des essais sur échantillons humains ou en conditions d’utilisation réelle) lorsque les données disponibles ne suffisent pas à documenter ces performances.
En résumé, le MDR met l’accent sur des données cliniques liées à l’usage humain du dispositif, alors que l’IVDR met l’accent sur la démonstration des performances métrologiques et cliniques du dispositif de diagnostic.
Malgré ces différences, les deux règlements visent in fine à s’assurer que le dispositif apporte un bénéfice clinique ou diagnostic avéré et qu’il ne compromet pas la sécurité des patients ou utilisateurs. Les fabricants de DMDIV, parfois moins familiers que les fabricants de DM avec les exigences d’“evidence clinique”, doivent monter en compétence pour constituer des dossiers de performances robustes (incluant des études de concordance, des essais cliniques diagnostiques, etc.).
Dans les deux cas, un plan d’évaluation (clinique ou performance) doit être élaboré dès le développement, et les données doivent être mises à jour en continu avec l’expérience post-commercialisation.
Enfin, notons que pour les dispositifs les plus à risque, il est requis de fournir un Résumé des caractéristiques de sécurité et de performance destiné au public. Sous le MDR, un SSCP (Summary of Safety and Clinical Performance) doit être rédigé pour les dispositifs implantables et de classe III, document qui sera rendu public via la base EUDAMED. De façon analogue, l’IVDR exige un résumé des caractéristiques de sécurité et de performance pour les DMDIV de classe C et D (à fournir avec la documentation technique et qui sera également publiée). Cette mesure vise à améliorer la transparence et l’information des professionnels de santé et patients sur les dispositifs critiques, en synthétisant les données clés de sécurité/performance et les précautions d’utilisation.
Depuis l’entrée en vigueur des nouveaux règlements (EU) MDR 2017/745 et 746, les exigences en termes d’évaluation clinique ont été considérablement renforcées.
Surveillance post-marché et vigilance renforcées
L’un des apports majeurs du MDR/IVDR est le renforcement des exigences de surveillance post-commercialisation (Post-Market Surveillance, PMS) et de vigilance. Les fabricants doivent adopter une approche proactive de suivi de leurs dispositifs une fois sur le marché, afin de recueillir des informations en vie réelle, de détecter rapidement d’éventuels problèmes et d’améliorer continuellement la sécurité d’utilisation. Les obligations clés communes incluent :
Plan de surveillance post-marché (PMS Plan) : pour chaque dispositif, le fabricant doit établir un plan décrivant comment il va surveiller la performance, la qualité et la sécurité du dispositif après sa mise sur le marché. Ce plan précise les sources de données (retours utilisateurs, réclamations, littérature, bases de données de vigilance…), les indicateurs de suivi, les responsabilités en interne, etc., et doit s’inscrire dans le système de management de la qualité.
Collecte systématique des données post-marché : le fabricant doit mettre en place des processus pour collecter et analyser en continu les données d’utilisation de ses dispositifs (par exemple retour des professionnels de santé, résultats d’études post-market, tendances d’incidents). L’idée est d’identifier rapidement les signaux pouvant indiquer un risque émergent ou une dégradation des performances, afin de prendre des actions correctives si nécessaire.
Rapports périodiques de surveillance : les deux règlements introduisent des rapports à produire périodiquement en fonction de la classe de risque du dispositif :
__ Pour les dispositifs à faible risque (DM classe I et DMDIV classe A et B), le fabricant doit rédiger un rapport de surveillance post-marché (PMS Report) tenant à jour un résumé des résultats de la surveillance et des conclusions d’actions éventuellement requises. Ce rapport doit être mis à jour en continu et tenu à disposition des autorités.
__ Pour les dispositifs de risque plus élevé (DM classes IIa, IIb, III et DMDIV classes C et D), un rapport de mise à jour périodique de la sécurité (PSUR, Periodic Safety Update Report) doit être préparé pour chaque dispositif ou famille de dispositifs. Le PSUR est un document plus détaillé, qui doit être mis à jour au moins une fois par an pour les classes les plus élevées (et au minimum tous les deux ans pour certains dispositifs de classe IIa ou classe C, conformément aux règlements). Le PSUR contient un résumé des conclusions du PMS, des données de vente, des tendances d’incidents/vigilance, et évalue si des actions préventives ou correctives s’imposent. Pour les dispositifs soumis à organisme notifié, le PSUR doit être communiqué à celui-ci et/ou aux autorités selon les cas.
Suivi clinique et suivi des performances post-marché : en complément du PMS général, le MDR demande pour de nombreux dispositifs une démarche de suivi clinique post-market (PMCF) afin de continuer à collecter des données cliniques sur le dispositif dans son usage courant. De même, l’IVDR introduit le suivi des performances post-market (PMPF) pour les DMDI, c’est-à-dire la collecte continue de données afin de vérifier que les performances du dispositif (sensibilité, spécificité, etc.) restent conformes aux attentes et d’identifier d’éventuels nouveaux risques. Ces plans de PMCF/PMPF font partie intégrante du plan de surveillance post-marché et leurs résultats alimentent les rapports périodiques.
Matériovigilance et gestion des incidents : les fabricants doivent notifier aux autorités tout incident grave lié à leurs dispositifs ainsi que les actions correctives de sécurité mises en œuvre, dans des délais réglementaires stricts (généralement sous 15 jours pour un incident grave, voire plus rapidement s’il s’agit d’un enjeu de santé publique). Les deux règlements ont précisé ces exigences de vigilance et créé un portail électronique (via la base EUDAMED) pour centraliser le signalement des incidents graves et des tendances statistiques à surveiller. En pratique, cela signifie qu’un fabricant doit avoir des procédures internes de vigilance efficaces : enregistrement et investigation des réclamations, remontée des informations des distributeurs/utilisateurs, évaluation de la nécessité de déclarer l’incident et d’initier des mesures correctives (retrait, modification, note de sécurité), puis déclaration via EUDAMED ou aux autorités nationales si EUDAMED n’est pas encore opérationnel.
En renforçant ainsi la surveillance après commercialisation, l’objectif du MDR/IVDR est de créer un cycle vertueux d’amélioration continue de la sécurité.
Les fabricants jouent un rôle actif tout au long de la vie du dispositif : non seulement ils doivent s’assurer de la conformité avant la mise sur le marché, mais ils doivent aussi réagir rapidement aux problèmes une fois le produit sur le terrain. Pour un fabricant, cela implique d’avoir des ressources dédiées à la surveillance post-marché, à la matériovigilance, et d’intégrer ces retours dans les mises à jour du dossier technique et du dossier clinique/performance.
Autres obligations communes aux fabricants (PRRC, opérateurs économiques, traçabilité…)
Outre les aspects de classification, de documentation technique et de surveillance, le MDR et l’IVDR introduisent toute une série d’obligations générales pour les fabricants et les autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement. Parmi les obligations communes notables :
Système de management de la qualité (SMQ) : les fabricants doivent établir, documenter et maintenir un système de gestion de la qualité couvrant l’ensemble de leurs activités ayant un impact sur la conformité des dispositifs. Ce SMQ – généralement basé sur la norme ISO 13485 – doit intégrer notamment la gestion des risques, le contrôle de la conception et des changements, la maîtrise des fournisseurs, la gestion des événements indésirables et la surveillance post-marché. L’IVDR comme le MDR exigent que le SMQ soit en place et efficace avant la mise sur le marché du dispositif, et qu’il évolue pour inclure les nouvelles exigences (ex. prise en compte des performances pour les DMDIV, exigences documentaires accrues, etc.).
Gestion des risques et conception intrinsèquement sûre : le fabricant doit mettre en œuvre un processus de gestion des risques tout au long du cycle de vie (conformément à ISO 14971), afin d’identifier les dangers associés au dispositif, estimer et évaluer les risques, appliquer des mesures de maîtrise (d’abord par conception intrinsèque sûre, puis par protections et enfin par informations aux utilisateurs) et assurer la balance bénéfice/risque favorable du dispositif. Ce processus doit être continu et alimenté par les données post-marché. Il constitue un élément central des exigences générales (Annexe I) pour les DM et les DMDIV.
Personne Responsable de la Conformité Réglementaire (PRRC) : chaque fabricant (et mandataire) doit désigner en son sein une personne possédant les qualifications requises (formations scientifiques/juridiques ou expérience adéquate) qui sera responsable du respect de la réglementation (Article 15 des deux règlements). Cette personne – la PRRC – est chargée notamment de vérifier la conformité des dispositifs et de la documentation technique, le suivi du système qualité, la déclaration des obligations de vigilance, etc. Pour les fabricants de petite taille, il est possible de faire appel à une ressource externe, mais elle doit être en contrat permanent avec l’entreprise. L’instauration de la PRRC vise à renforcer la responsabilisation des fabricants vis-à-vis de la réglementation.
Traçabilité et identification unique des dispositifs (UDI) : les MDR/IVDR introduisent le système d’Identification Unique du Dispositif (UDI), qui attribue à chaque dispositif et à chaque niveau d’emballage un code unique permettant sa traçabilité. Le fabricant doit assigner les UDIs conformément aux standards (en général via un émetteur tel que GS1) et les faire figurer sur l’étiquetage du produit (en code-barres lisible) selon un calendrier échelonné par classe de risque. L’UDI facilite le suivi des dispositifs, les rappels et la surveillance post-marché. Par ailleurs, les fabricants, mandataires et importateurs doivent s’enregistrer dans la base de données EUDAMED et obtenir un numéro d’enregistrement unique (numéro SRN) auprès de leur autorité compétente. Ils doivent aussi enregistrer les dispositifs eux-mêmes (identification du produit, classe, certificateur, etc.) dans EUDAMED. Bien que EUDAMED ne soit pas encore pleinement opérationnel en 2025, son utilisation est en déploiement progressif et de nombreuses obligations d’enregistrement sont d’ores et déjà en vigueur sur base volontaire.
Obligations des opérateurs économiques : le MDR et l’IVDR clarifient les responsabilités de chaque acteur de la chaîne : fabricants, mandataires, importateurs, distributeurs. Le fabricant est l’acteur principal responsable de la conformité et du marquage CE. S’il est hors UE, il doit nommer un mandataire européen qui agit en son nom pour certaines tâches (tenir la documentation technique, coopérer avec les autorités, etc.). L’importateur (qui met un dispositif sur le marché de l’UE depuis un pays tiers) doit vérifier que le fabricant hors-UE est bien en conformité (présence du marquage CE, de la déclaration de conformité, d’un mandataire, étiquetage en règle), enregistrer son identité sur le dispositif ou son emballage, et assurer la traçabilité des dispositifs importés. Le distributeur doit, avant de distribuer un dispositif, vérifier certaines informations de base (marquage CE, étiquetage, date d’expiration, etc.), et doit collaborer aux actions de vigilance et de retrait si nécessaire. Tous ces acteurs ont l’obligation de se « surveiller mutuellement » et de maintenir la traçabilité des lots vendus, afin de pouvoir informer le fabricant en cas de problèmes et faciliter les éventuelles mesures de sécurité. En pratique, les fabricants doivent donc mettre en place des accords et des procédures avec leurs mandataires, importateurs et distributeurs pour s’assurer que les informations circulent correctement et que chacun remplit son rôle (remontée des réclamations, exécution des retraits de produit, etc.).
Responsabilité et couverture financière : point important, souvent méconnu, des deux règlements : le fabricant doit disposer de mesures de couverture financière suffisante pour assumer sa responsabilité en cas de produits défectueux. Cela signifie typiquement la souscription à une assurance responsabilité civile produit adéquate. Cette exigence vise à garantir qu’en cas de dommage causé par un dispositif, les victimes pourront être indemnisées. Les fabricants doivent donc évaluer leur niveau de couverture assurance et l’ajuster si nécessaire (surtout pour les dispositifs à haut risque).
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Conclusion
Les règlements MDR et IVDR imposent aux fabricants de dispositifs médicaux et de diagnostic in vitro une montée en exigences règlementaires, couvrant l’ensemble du cycle de vie du produit – de la conception à la surveillance post-mise sur le marché. Si de nombreuses obligations sont communes aux deux règlements (approche par le risque, documentation technique, management de la qualité, engagement d’une personne responsable, traçabilité UDI, etc.), il convient de prendre en compte les spécificités propres aux DMDIV introduites par l’IVDR, notamment en matière de classification, d’évaluation des performances et de suivi post-commercialisation.
En tant que professionnels de santé ou fabricants de technologies médicales, il est important, voire stratégique, de bien appréhender ces règles pour garantir la conformité de vos dispositifs et assurer la continuité de la mise sur le marché. Une anticipation proactive – par exemple, initier tôt les démarches de certification auprès des organismes notifiés, renforcer le recueil de données cliniques/performance, et mettre à jour le système qualité – est la clé pour transformer ces contraintes réglementaires en avantage concurrentiel.
Face à la complexité de ces réglementations, le recours à un cabinet expert en affaires réglementaires peut s’avérer précieux pour vous accompagner dans la mise en conformité et le suivi après-commercialisation. La conformité réglementaire n’est pas qu’une obligation légale, c’est un engagement pour la sécurité des patients et la qualité des soins, qui rejaillit positivement sur l’image et la crédibilité de votre entreprise.
Cet article est diffusé à titre informatif et ne constitue pas une référence normative ou règlementaire.